CCidéal News #1 : Pénuries, retards de livraisons, le marché du VDL vit l’un de ses plus grand défi !

Depuis la crise du COVID, le marché du VDL (véhicules de loisirs) est en pleine mutation. Celui-ci a connu un engouement avec une augmentation des ventes de 30% sur la saison 2021. L’arrivée d’une nouvelle clientèle, plus jeune, recherchant des véhicules plus compacts type fourgons / vans en est la principale raison. Mais voilà… Le COVID est aussi la cause d’un dérèglement mondial de la gestion des matières premières. Ce qui entraîne mécaniquement une hausse des prix couplée à une baisse de la capacité potentielle de production. Pour faire simple la demande est plus forte que l’offre.

Partout, sur les réseaux sociaux, nous voyons apparaitre des témoignages d’acheteurs ayant leurs livraisons repoussées de plusieurs mois. Bon nombre d’entre eux commencent à envisager des vacances d’été sans camping car. La raison de ces reports de livraisons découle des productions des châssis Fiat, Citroën, Ford et autres. Touché de plein fouet par le manque des matières premières, les fabricants de châssis ne peuvent pas assumer la production normale nécessaire au marché du VDL. La faiblesse du marché du véhicule de loisirs est ici bien visible, car, comment construire un fourgon sans une caisse tôlée pour l’aménager ? Comment monter un toit relevable sur un Van sans van ? Et comment construire un camping-car sans le châssis pour le supporter ?

Dans cette mutation, presque tous les acteurs du monde du VDL sont impactés, du constructeur au client final en passant par le concessionnaire. Nous vous proposons un tour d’horizon de ces protagonistes qui font le quotidien de notre marché afin de mieux appréhender la situation.

Questions à Yvonnick, responsable commercial France pour le Groupe PILOTE

Après la forte hausse des immatriculations sur le saison 2021 (+30%), penses-tu que la saison 2022 verra encore une nouvelle progression des immatriculations ?

“De plus en plus de personne s’intéressent aux véhicules de loisirs, donc sur le papier oui nous devrions avoir une hausse des immatriculations.

Sauf que la réalité est tout autre. Nous, (constructeurs), ne pouvons pas fournir à hauteur de la demande car nos capacités de productions sont limitées par les problématiques d’approvisionnements. Nos usines tournent environ à 70% de leurs capacités à cause du manque de matière. Les parcs des concessionnaires vont s’appauvrir au fur et à mesure de la saison et la progression des immatriculations va être stoppée par le manque de véhicules à immatriculer.

De septembre à janvier les immatriculations de véhicules neufs ont progressées de 9% vs N-1, cette progression devrait fondre petit à petit.”

Comment justifies-tu les dernières hausses de prix sur l’ensemble des véhicules de loisirs ?

“Nous le savons tous, le contexte actuel fait que toutes les matières premières augmentent fortement ! Le bois, l’acier, l’aluminium, l’électronique, le plastique… autant de matières qui ont terriblement augmentées et que nous utilisons massivement dans la production de nos véhicules. Ce qui est le plus impactant pour nous c’est l’augmentation de prix des châssis. Les châssis correspondent à environs 40% du coût de revient d’un véhicule donc chaque augmentation à un impact direct sur nos prix de ventes.”

Selon toi, la pénurie et les retards de livraisons vont durer combien de temps ?

“La pénurie est liée à une demande qui est plus forte que l’offre. Les indicateurs nous font penser que la demande va continuer d’augmenter et que nous (constructeurs) pourrons ré augmenter les cadences de productions à partir du 1er trimestre 2023. Comme évoqué plus haut, la « pénurie » devrait donc s’intensifier d’ici à la fin de l’année et commencer à diminuer à partir du début de l’année prochaine. En tant que client, il faudra savoir saisir les opportunités qui sont sur les parcs, ou anticiper son achat avec plus ou moins un an d’avance.

Les retards eux sont principalement liés à des ruptures dans la chaîne d’approvisionnement. Par exemple, un fournisseur de frigo qui n’est plus capable de nous livrer pendant une période : une fois nos stocks épuisés, nous sommes obligés d’attendre que le fournisseur en question nous ré approvisionne pour finir le véhicule, puis le livrer… parfois nous proposons une solution d’équipement différent afin de pallier aux retards. Là aussi nous espérons retrouver une stabilité à partir du 1er trimestre 2023. Sauf nouvelle crise, les livraisons prévues sur 2023 seront moins impactées par les retards ou modifications de commandes que celles de 2022.”

Quelles sont les conséquences de la pénurie pour un groupe comme Pilote ?

“Les conséquences sont multiples.

Premièrement la baisse de nos cadences de productions engendre du chômage partiel dans le Groupe.

Ensuite économiquement : nous compensons l’augmentation tarifaire sur énormément de commandes clients (écart de coût des matières entre la date de prise de commande et date de livraison), cela couplé au fait de ne pas produire à hauteur de nos capacités maximales, nous avons un manque à gagner qui se chiffre en millions d’euros sur l’année en cours. Et puis malgré ça notre image de marque a été abimé car les retards ou changement de configurations génèrent de l’insatisfaction…

Cependant cette « crise » nous pousse à chercher des solutions alternatives, à innover, à diversifier et relocaliser nos fournisseurs afin de limiter les augmentations et les problématiques d’approvisionnements. Nous sommes en train d’opérer des changements majeurs dans notre organisation et finalement notre fonctionnement d’après sera plus adapté au monde actuel. D’ailleurs il y a des changement qu’il faut que je vous présente bientôt…”

Questions à Olivier, directeur des opérations du réseau TPL (12 concessions)

Olivier, pour toi, en tant que directeur de réseau, quelle est ta principale difficulté à l’heure actuelle ?

“On devrait plutôt dire quelles sont NOS principales difficultés… Tout d’abord, c’est l’approvisionnement des véhicules qui est le gros point noir de notre quotidien. Car d’un côté, nous avons les clients qui ont commandés leur véhicule en début de saison et qui se voient impactés par le retard des approvisionnements. Et de l’autre, ce sont nos camping-cars de stock qui nous sont annulés par nos partenaires afin de privilégier nos clients en attente de livraison. Ainsi, nous manquons de stock, donc de ventes potentielles, et de matériel a montrer sur les parcs. Une situation encore inédite et très complexe…”

Prévois-tu un résultat en hausse ou en baisse pour la saison 2022 ?

Depuis le début de la saison, le départ est plutôt intéressant. La demande est là et notre marché attire de plus en plus d’acheteurs. Mais voilà, les difficultés dont je parlais plus haut viennent pénaliser cet engouement. Ainsi, il me parait difficile de prévoir une hausse. Au mieux, nous pourrions essayer d’être égal à l’année dernière, mais nombre d’entres nous prévoyons une baisse de notre résultat par rapport à N-1 à cause des décalages de livraisons, et des stocks manquants… C’est assez frustrant…

Soyons directs, des concessions risque-t-elles de disparaitre a cause de la situation actuelle ?

Bien malin celui qui pourrait prévoir cela. Je pense que la majorité des concessionnaires travaillent main dans la main avec leurs partenaires constructeurs pour minimiser l’impact de cette crise. Je ne souhaite évidement à aucun concessionnaire de disparaître. Mais il est clair que en ces temps d’incertitude, préparer au mieux la saison prochaine avec les marques sera la clef de la sortie de cette crise.

Selon toi, cette situation risque de durer combien de temps ?

“Il y a une semaine, je t’aurai dit que nous pouvions commencer à faire des prévisions sur un retour à la normale. Mais les évènements géopolitiques récents rendent l’avenir encore plus incertain. La guerre en Ukraine risque d’amplifier encore les problèmes d’approvisionnements, de constructions et de livraisons clients. Concrètement, j’imagine difficilement une sortie de crise avant la fin 2023, ne serait-ce que sur la gestion des matières premières, des semi-composants etc…

Questions à Stéphane, vendeur de Camping-cars à Naintré

Stéphane, comment vis-tu la situation actuelle en tant que vendeur ?

Bien que nous alertions les clients sur nos difficultés d’approvisionnement de véhicules neufs, et la pénurie de véhicules d’occasions, certains ne comprennent pas. Lorsque je leur dis de prendre une décision rapide, je sens bien qu’ils ont du mal à me croire, car je suis vendeur et dans leur esprit je veux absolument leur vendre un véhicule. Je suis conscient que c’est un achat important, tant par le projet que par le prix, mais nous avons des contraintes de stock et de disponibilité que nous connaissions moins avant la crise sanitaire, qui a tout accélérée. Il est relativement fréquent que plusieurs clients portent leur dévolu sur un même véhicule, bien évidemment, c’est le premier qui donne son accord qui aura le véhicule, et je vois souvent des clients déçus car “leur” véhicule est vendu, pourtant leur réflexion n’a pris que quelques heures.

Mon métier de vendeur est de trouver le véhicule qui répondra au mieux aux attentes et aux projets de mes clients, la situation actuelle est inédite dans la mesure ou je dois apprendre à dire “non” à mes clients. Pour exemple, non, je n’aurai pas votre camping-car idéal à temps pour vos vacances, non, je n’ai pas l’implantation qu’il vous faut et je ne l’aurai pas cette année, non, je ne peux pas faire mieux sur le tarif car les prix évoluent sans cesse…

C’est une période compliquée dans la gestion globale (ventes, délais, tarifs), notre métier évolue.

Quelle est la conséquence pour toi dans ton quotidien ?

“Mon quotidien, ce résume en un mot : “réactivité”. En effet, par respect pour nos clients, je dois être réactif, car un véhicule vu aujourd’hui, sera peut être vendu demain. J’adapte ma façon de travailler aux circonstances. Je suis obligé de travailler “à l’envers”, c’est à dire faire valider une commande, un acompte avant que le client n’ai vu le véhicule, souvent j’envoie des photos supplémentaires, on s’appelle en visio pour bien valider chaque points et nous concrétisons quelques jours plus tard en face à face. Il faut composer avec les annulations de châssis, les décalages de livraisons. Il y a quelques temps, mon quotidien était de suivre mes ventes, suivre l’avancé des dossiers de financements, suivre l’avancé des véhicules dans les ateliers de préparations, maintenant vient se rajouter le suivi des délais de livraisons et de tenir informer les clients en fonction des infos glanées auprès des constructeurs.”

Comment vois tu le marché à court terme, d’ici la fin de la saison par exemple ?

“En ce qui concerne le marché, je suis partagé, car nos clients ont besoins de liberté, de se changer les idées. Je pense que nous allons vivre une belle saison jusqu’en juin, mais les contraintes évoquées plus haut vont s’amplifier. Les stocks VO vont s’amenuiser, et les livraisons de VN vont se décaler sur l’automne voir l’hiver. Les parcs de véhicules vont se clairsemer dangereusement.  La fin de saison va être compliquée car nous ne pourrons pas satisfaire tous nos clients et c’est triste, car nous avons la chance de travailler dans le loisir et c’est de voir les clients heureux qui nous fait vibrer, pas de voir des clients déçus. Nos concessions mettent des stratégies en place afin de minimiser les impacts de la pénurie sur notre métier.

Comment réagissent les clients face aux retards de leur livraison ?

Les clients sont intelligents et comprennent très bien que la situation est indépendante de notre volonté, les médias nous aident là-dessus. La plupart prennent leur mal en patience, dans la mesure ou nous avons été très clair dès la commande sur les délais de livraisons qui pouvaient évoluer. Il nous arrive de proposer un véhicule de location (lorsque c’est possible) pour compenser les retards de livraisons, les clients sont reconnaissants de nos efforts mais pas pleinement satisfaits, il préfèreraient avoir leur véhicule.

Questions à Alain, acheteur d’un Camping-Car neuf 2022 et en attente de livraison dans l’ouest de la France.

Alain, quel véhicule avez vous acheté, quand l’avez vous acheté, et quel délais était prévu à la commande ?

J’ai acheté un Pilote G 720 Evidence. Je l’ai acheté au salon du Bourget et un délais était prévu pour le mois de Mai 2022. Mais le vendeur, sur le stand m’avait dit que les délais annoncés pouvaient bouger étant donné la situation des matières premières… Nous avions d’ailleurs visité plusieurs stands, parlé avec différents vendeurs qui nous avaient déjà sensibilisé aux difficultés sur les délais…

Et finalement, le mois de mai approchant ? Où en est-on ?

Et bien mon vendeur m’a contacté pour me dire que mon véhicule arriverait courant juillet, voir août… C’est l’coup dur car nous avions prévu une sortie au mois de Juin et nous avons déjà rendu l’ancien au concessionnaire.

Quelle a été votre réaction face à cette annonce…

Je ne vais pas vous dire que j’ai sauté au plafond. Mon vendeur a été assez clair, la situation lui échappe autant qu’au constructeur. Dans l’état actuel des choses, je me dis que j’ai presque de la chance de pouvoir avoir un camping-car… C’est fataliste, mais après tout, c’est mieux que rien non ?

Vous n’avez pas pensé à annuler, tout simplement ?

“Oui, mais dans quel but ? Mon vendeur m’a bien dit que c’était possible, mais quoiqu’il arrive, je n’ai presque aucune chance de trouver le même véhicule disponible… Et s’il l’était, il serait plus cher depuis mon achat au Bourget… Quant à commander un 2023, apparemment, le prix serait encore plus haut et avec un délais tellement lointain que j’aurai eu le temps de profiter du véhicule que j’attend depuis le début…

Après ce tour d’horizon, une chose paraît claire : “On est tous dans le même bateau”…

La situation actuelle touche tous les secteurs, le marché du VDL n’est pas épargné par ces évènements. Et la situation géopolitique actuelle ne va rien arranger.

Les conseils de l’équipe Campingcarideal.com

Dois-je annuler ma commande en cas d’un retard important ?

Pourquoi le faire ? Actuellement, il n’y a presque aucune chance de retrouver un véhicule correspondant à celui que vous avez acheté en début de saison. Et si vous arrivez a le trouver, il y a toutes les chances que ce véhicule soit beaucoup plus cher que votre commande initiale. Certes, peut-être que votre été 2022 se fera sans camping-car… Mais après tout, des étés, il y en a chaque année… 😉

Puis-je demander un dédommagement au concessionnaire ou au constructeur par l’intermédiaire de mon vendeur ? (remise, équipements supplémentaires etc etc…)

Il faut être conscient que cette crise impacte les clients, les concessions, et les constructeurs. Les annulations de châssis font chuter la production des usines, ce qui entraine une perte de leur capacité à vendre aux concessionnaires, et mécaniquement une perte d’exploitation énorme pour les vendeurs. Dans ce phénomène, personne n’est réellement responsable des conséquences… Demander un geste à un concessionnaire ou à un constructeur qui réalisera surement une perte par rapport à son année précédente ne serait pas réellement productif.

Est-ce réellement pénalisant de recevoir mon véhicule 2022 alors que le millésime 2023 aura commencé ?

Il est vrai que dans une année habituelle, il est toujours préférable d’immatriculer son véhicule 2022 en saison 2022 (du 1er septembre 2021 au 31 août 2022). Mais, nous ne sommes pas dans une année habituelle. La “règle” de devoir immatriculer un véhicule avant le début de la nouvelle saison est néanmoins rattrapé par le marché. Pour faire simple, en règle générale, immatriculer un véhicule équivaut à une perte de 20% de sa valeur la première année. Aujourd’hui, et tant que la pénurie sera présente et l’engouement effectif, la perte de valeur d’un véhicule neuf immatriculé tard est inférieure à 10%, voir parfois même 5% si votre véhicule fait parti des implantations les plus recherchées. Dans l’absolu, certes, vous perdrez peut-être un été avec votre nouveau véhicule, mais cela sera compensé par une décôte plus contenue que d’habitude.

Et si j’annule et que je commande un 2023 ?

C’est une possibilité. Mais là aussi, il faut être conscient des conséquences. Tout d’abord, à l’heure actuelle, il est presque impossible pour un vendeur de vous proposez la commande d’un véhicule 2023 en vous assurant un délai et un prix. La seule chose qui est sûre, c’est que l’augmentation des prix n’est pas finie, et que les délais ne risquent pas de se raccourcir. Ainsi, commander un 2023 ne vous permettra pas d’être sûr de recevoir ce nouveau véhicule avant l’été 2023. De plus celui-ci sera largement plus cher que le 2022 que vous attendez déjà… Notre conseil est donc clair : si vous avez eu la chance de pouvoir commander un véhicule neuf 2022, et que celui-ci sera produit, peu importe son délais, et bien… Gardez-le!…